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LA PERMANENCE DU PROBLEME DE L’ OBJECTION DE CONSCIENCE.
Article mis en ligne le 12 décembre 2010
dernière modification le 1er juin 2021

1. - DEFINITION DE L’ OBJECTION DE CONSCIENCE.

Antérieurement à l’action de Garry DAVIS, rares étaient ceux qui auraient pu donner une définition, même approximative de cette attitude extrême et résolue qu’est l’objection de conscience.
Le Père LORSON, dans son ouvrage intitulé Un chrétien peut-il être objecteur de conscience ? propose une formule qui, pour heureuse qu’elle soit, n’est cependant pas entièrement satisfaisante : ’On entend ici par objection de conscience le refus de servir comme soldat, en temps de paix ou de guerre, en qualité de combattant effectif ou d’auxiliaire, non pas pour des motifs vulgaires de lâcheté, d’orgueil ou d’anarchie révolutionnaire, mais pour des motifs nobles, considérés comme urgents et tirés des impératifs mêmes de la conscience.’
Cette définition, pour prétendre englober tous les cas d’objection de conscience, et seulement ces cas, demande à être complétée et modifiée. L’objecteur de conscience est, certes, celui qui repousse toute idée de service militaire, mais il est nécessaire de préciser : qui la repousse constamment. En effet, certains objecteurs ne sont qu’occasionnels ; ils refusent certaines guerres, mais en acceptent d’autres. Leur objection de conscience, momentanée, se teinte d’un opportunisme politique qui altère gravement la qualité de leur geste et en restreint singulièrement la portée.

La différence fondamentale entre ces objecteurs à éclipses et les objecteurs véritables réside dans l’origine même de leur attitude : chez les premiers, il s’agit là d’une tactique politique, dictée par un parti selon les besoins de sa propagande et en vue d’un but précis, devant tôt ou tard faire place à une autre tactique, parfois opposée, mais toujours imposée ; les seconds, au contraire, ne sont mus que par leur seule conscience, en une libre détermination, et dressent, en toutes occasions, d’une façon inébranlable, en face de la violence internationale, leur amour constant et lucide de l’humanité. Si les premiers acceptent de participer parfois, sous un drapeau déterminé et en vue d’objectifs précis, au prélude, puis à la conduite d’une certaine guerre, les seconds refusent indistinctement leur adhésion à toute idée de lutte meurtrière.

A cette première distinction, il faut en ajouter une seconde. Le Père LORSON note avec pertinence que le refus de l’objecteur de conscience ne s’inspire que de motifs nobles. En cela, l’objecteur diffère essentiellement du délinquant ordinaire (insoumis, déserteur, etc.) dont l’attitude extérieure peut, dans certains cas (et pour des personnes peu averties d’ailleurs) sembler s’apparenter à celle de l’objecteur de conscience, mais dont la mentalité n’est nullement comparable à celle de ce dernier. Ce qui ne signifie pas, toutefois, qu’un déserteur ordinaire, quoique n’obéissant pas aux impératifs de conscience de l’objecteur, agisse nécessairement pour des motifs bas, inavouables : certains soldats ont déserté parce que, sachant leur femme gravement malade - ou encore infidèle - et ne pouvant obtenir sur le champ une permission, ils étaient incapables de supporter plus longtemps une séparation qui accroissait sans cesse leurs alarmes. Le mobile de leur délit n’était point dégradant ; il n’en était pas moins totalement étranger aux préoccupations profondes des objecteurs de conscience : l’amour des hommes, l’horreur de la guerre ou de sa préparation. La double distinction ainsi faite entre objecteurs de conscience et délinquants occasionnels (objecteurs politiques) d’une part, puis entre objecteurs de conscience et délinquants ordinaires d’autre part, une définition aussi précise que possible de l’objecteur véritable peut être tentée.

L’objecteur de conscience est celui qui refuse, dans tous les cas, de servir comme soldat, en temps de paix ou en temps de guerre, qu’il s’agisse d’un service actif ou auxiliaire, pour des motifs nobles et altruistes, issus de sa seule conscience, et essentiellement différents des mobiles égoïstes qui poussent les délinquants ordinaires à agir. Cette attitude individuelle, réprouvée par les lois françaises, est-elle née des événements contemporains ou n’est-elle que la suite logique d’un processus historique ou le signe d’une évolution morale ? Quel est le sort fait de nos jours, en France, à l’objecteur de conscience ? Quelles sont les solutions apportées à ce problème dans les différents pays ? Est-il souhaitable que la France s’inspire de certaines législations étrangères actuelles pour promulguer un statut de l’objection de conscience ? Telles sont les questions auxquelles cette étude voudrait répondre, sans passion, inspirée des seules notions de justice et de vérité. Car il n’est ni sage ni courageux d’éluder, en feignant de l’ignorer, une question aussi importante que celle de l’objection de conscience. Le sujet est de ceux qui méritent d’être examinés et médités.

2.-L’EVANGILE ET I’EGLISE PRIMITIVE

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Le refus en toutes circonstances de prendre les armes pour lutter contre autrui, le refus de tuer son prochain n’est pas une attitude issue du monde moderne. Bien au contraire, elle semble née avec certaines religions, et singulièrement avec la religion chrétienne, qui enseigne aux hommes de s’aimer, sans distinction de races ou de nationalités. Parmi les objecteurs de conscience actuels, ceux qui fondent leur position sur leurs convictions religieuses ne manquent pas de citer, à l’appui de leur thèse, certains passages de la Bible.

Ces passages, qui ordonnent aux Chrétiens d’aimer tous les hommes, posent le principe qu’il est interdit de tuer dans tous les cas, même pour se défendre, et qu’à la violence il ne faut opposer aucune résistance physique. L’agresseur, s’il doit être désarmé, ne le sera que par l’amour que sa victime ne cessera de lui porter. Cette non-violence totale conduira peut-être le chrétien au sacrifice. Mais il y gagnera la vie éternelle. Les passages invoqués ne peuvent manquer d’impressionner un croyant sincère. Qu’on en juge : "Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres." (Jean, XIII, 34 et 35). ’Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. Si quelqu’un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l’autre.

Si quelqu’un prend ton manteau, ne l’empêche pas de prendre encore ta tunique." (Luc, VI, 27 à 29). ’Vous avez entendu qu’il a été ait aux anciens : ’Tu ne tueras pomt ; celui qui tuera mente d’être puni par les juges’. Mais moi je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère mérite d’être puni par les juges." (Mathieu, V, 21 et 22). ’Vous avez appris qu’il a été dit : ’Oeil pour oeil et dent pour dent’. Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant.’ (Mathieu, V, 38 et 39). "Alors Jésus lui dit : ’Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée." (Mathieu, XXVI, 52). L’ Eglise primitive s’inspira fréquemment de ces préceptes divins et, Si elle honore des combattants, elle ne manque pas également de sanctifier nombre de non-violents de l’époque.

C’est ainsi que, vers l’an 150, le grand apologiste Saint JUSTIN MARTYR écrivait : "Et nous, qui autrefois nous tuions les uns les autres, non seulement nous ne faisons plus la guerre contre nos ennemis, mais, plutôt que de mentir ou de tromper ceux qui nous interrogent, nous mourons joyeux en confessant le Christ."

Un peu plus tard, vers l’an 200, c’est TERTULL1EN qui s’écrie à son tour « Comment peut-il faire la guerre, comment peut-il. même être soldat en temps de paix sans l’épée que le Seigneur a interdite ? » La même pensée se retrouve chez Saint CYPRIEN, évêque de Carthage, mort martyr en 258 : « Il n’est pas permis aux chrétiens de tuer ; ils doivent plutôt se laisser tuer... Il est interdit à des innocents de faire périr même un coupable. »

ORIGENE adopte également ce point de vue "Nous, chrétiens, nous ne levons plus l’épée contre une nation, et nous n’apprenons plus l ‘ art militaire, étant devenus des enfants de paix, par Jésus qui marche à notre tête.

LACTANCE énonce les mêmes principes en termes lapidaires : "Il n’est pas permis au juste de porter les armes ;... il est défendu de tuer, simplement. Il n’y a pas la moindre exception au précepte divin.’ Les débuts du christianisme voient encore Saint AMBROISE interdire l’entrée de l’Eglise à l’empereur THEODOSE vainqueur et lui ordonner de se repentir de Sa victoire, obtenue en versant le sang. Ils voient Saint BASILE former le voeu qu’on écarte de la communion les participants à une guerre, parce qu’ils se sont souillés de sang. ils voient le Concile de Reims, en 923, imposer une pénitence de trois ans à ceux qui ont combattu.

Toutefois, cette attitude de l’Eglise primitive fut de courte durée. Dès l’an 320, sous CONSTANTIN LE GRAND, s’amorça une évolution qui amena très rapidement le Christianisme à admettre la guerre. Certes, à toutes les époques, des chrétiens, refusant toute participation à la violence, conservèrent la position évangélique, tels les Vaudois du Piémont, les Anabaptistes, les Mennonites, les Quakers, etc. Mais ils furent peu nombreux et il fallut attendre le 19ème siècle pour constater un mouvement catholique important qui, sans en revenir à la position intégrale des premiers temps, condamnait cependant la conscription C’est ainsi qu’en l890, le Cardinal LANGENIEUX, archevêque de Reims, approuvé par la plupart des évêques français, affirmait que la conscription était "impie dans son principe et destructrice de la liberté de conscience ».

Par de-là les siècles, le Cardinal LANGENIEUX rejoignait LACTANCE.

3.- LA POSITION ACTUELLE DES EGLISES.

Depuis quelques années, il paraît évident que les Eglises catholique et protestante, semblant rompre en partie avec une longue tradition, en reviennent plus ou moins, sinon à l’apologie, du moins à l’acceptation, hésitante ou franche selon les cas, de l’objection de conscience. La première guerre mondiale avait déjà été condamnée sans équivoque par un certain nombre de théologiens réunis en Allemagne, parmi lesquels se trouvaient le Jésuite polonais ROSTWOROWSKI, le Professeur de Théologie UDE, le Dominicain allemand STRATMANN, le prêtre italien Luigi STURZO et le prêtre français Henri DEMULIER. En termes formels, ils avaient déclaré que la discrimination faite par SAINT AUGUSTIN entre les guerres justes et injustes était dépassée, qu’à l’époque moderne il ne pouvait plus y avoir de guerre juste et qu’en conséquence, le chrétien devait refuser de participer à toute guerre.

Ces hommes ne se lassèrent pas, par la suite, de prêcher la non-violence, sans jamais être désavoués par leurs supérieurs. Le Docteur UDE, qui enseigna la théologie pendant quarante ans à l’Université de Graz, en Autriche, fut même détenu, pour ses idées, dans un camp de concentration au cours de la dernière guerre. Partisan de l’objection de conscience, condamnant toute violence, il précise sa doctrine, en 1948, dans un ouvrage intitulé : Dû soltst nicht tôten ("Tu ne dois pas tuer").

La même année, le Père STRATMANN prononçait à Mayence, en présence d’évêques, une conférence au cours de laquelle il affirmait que toute guerre, même défensive, était immorale. A vrai dire, on peut penser que l’immense personnalité de GANDHI n’avait pas été sans influencer ce retour du Christianisme à ses origines. Le Mahatma lui-même avait élaboré sa doctrine de non-violence en puisant à de multiples sources, où les écritures chrétiennes figuraient en bonne place. Nourri des traditions religieuses hindoues comme de la légende juive de Daniel et de ses amis et du Sermon sur la Montagne, imprégné des pensées de l’Anglais RUSICIN, du Russe TOLSTOI, du révolutionnaire américain THOREAU, GANDHI sut, sans faiblir, conserver, sa vie durant, cette rectitude d’esprit, cette loyauté clairvoyante, cette fermeté empreinte d’intense bonté qui forcèrent l’admiration de tous, y compris du gouvernement anglais. Certaines de ses paroles ne dépareraient pas les textes sacrés

« Il faut avoir du courage pour renoncer à la violence. Il faut montrer son courage par son refus de la violence. » Je ne lèverais pas la main sur vous, même si j’en avais la puissance. Je veux vous vaincre uniquement par ma souffrance. Le sacrifice de soi est infiniment supérieur au sacrifice des autres. « Nul être humain n’est trop mauvais pour être sauvé. Nul être humain n’est assez parfait pour avoir le droit de tuer celui qu’il considère à tort comme entièrement mauvais. » Ainsi partait l’homme au corps frêle et à l’âme indomptable qui, par Sa dernière grève de la faim, en 1948, empêcha un conflit d’éclater entre l’inde et le Pakistan.

Ce même refus du recours à la violence se manifeste, par des voix autorisées, et avec une force accrue depuis quelques années, dans les milieux catholiques et protestants. De nombreux pasteurs avaient publié, le 5 janvier 1948, une "affirmation conscience où il était dit notamment : "Nous déclarons en conséquence condamner le recours à la guerre, sous quelque forme que ce soit, et être résolus à chercher dans l’accomplissement de la justice, la pratique de la miséricorde et te service de ta vérité, fondements de la résistance non-violente, le règlement de tous les conflits et l’élimination de leurs causes... Nous prions instamment les corps ecclésiastiques responsables de saisir l’Asssemblée œcuménique d’Amsterdam d’une déclaration formelle de renonciation totale à la guerre, qui engage pleinement chaque Eglise et appelle chaque chrétien à cette obéissance." Parmi les signataires, figuraient les noms des Pasteurs DERANSART, G.MLLARD, LOCHARD, ROSER, THEIS, TROCME et UMDENSTOOK.

Au mois de mai 1948, le Synode de Grenoble de l’Eglise Réformée de France leur donnait en partie satisfaction par une déclaration qui sans aller jusqu’à conseiller l’objection de conscience admettait néanmoins cette attitude : ’Nous reconnaissons que la guerre est toujours une manifestation du péché des hommes et l’échec de leur justice ; nous déclarons garder la pleine communion de l’Eglise avec ceux de nos membres qui refusent tout usage de la violence.’ De même, le Synode de l’Eglise Evangélique Allemande, qui est la plus haute autorité des Eglises protestantes d’Allemagne, prenait, en Avril 1950, la résolution suivante :

"Quiconque refusera de servir en temps de guerre peut être assuré de la protection et de l’intercession de l’Eglise.’ Mais les deux événements contemporains les plus marquants en ce domaine, sont sans conteste la prise de position de Monseigneur OTTAVIANI et la publication du livre du Père LORSON : Un chrétien peut-il être objecteur de conscience ?". Monseigneur OTTAVIANI, l’un des assesseurs immédiats de Pape actuel, n’hésite pas, en 1949, dans son "Traité de Droit Public Ecclésiastique (Institutiones juris publici ecclesiastici), sinon à interdire totalement la participation à la guerre, tout au moins à condamner d’une manière quasi absolue tous les conflits armés. Reprenant tout d’abord les termes de la proclamation des théologiens réunis en 1914, n dénie toute licéité à quelque guerre que ce soit "Il ne peut jamais y avoir aujourd’hui de ces conditions rappelées plus haut qui, théoriquement, pourraient rendre une guerre juste et licite. De plus, il faut ajouter qu’il ne peut jamais y avoir de cause d’une nature ou d’une importance telle qu’elle puisse être considérée comme entrant en proportion avec tant de maux, de carnages, de destructions et avec une telle ruine de valeurs morales et religieuses."

Monseigneur OTTAVIANI va alors tirer les conséquences de ces constatations : ’Ainsi donc, il ne sera en pratique jamais permis de déclarer une guerre ; et même il ne faudra pas entreprendre une guerre défensive, à moins que l’autorité légitime, à qui il appartient d’en décider, ne possède, avec la certitude de la victoire, des arguments sûrs démontrant que le bien procuré au peuple par cette guerre défensive l’emporte sur les maux immenses qui résulteront de cette guerre pour ce même peuple et pour la terre entière."

Cette condamnation, absolue quand elle vise la guerre offensive, semble moins nette à l’égard de la guerre de défense. Mais ce n’est sans doute là qu’une apparence. Il est, en effet, bien difficile à l’époque moderne, de dire avec assurance quand une guerre est agressive et quand elle ne l’est pas. il est plus difficile encore d’avoir la certitude, avant même d’entamer un confit, qu’on en sortira victorieux. Enfin, il est impossible de savoir si une guerre défensive procurera plus de bien que de maux, non seulement pour le peuple qui résiste à l’agression, mais encore pour toutes les nations, y compris celle qui, par hypothèse, est attaquante.

Toutes les conditions énumérées pour légitimer une guerre défensive seront-elles jamais remplies ? On peut en douter. Et peut-être est-ce la raison pour laquelle Monseigneur OTTAVIANI lance, par ailleurs, sans plus faire de distinction, la formule catégorique : "Bellum est omnino interdicendum" (la guerre doit être interdite sans réserve). L’opinion de cette haute autorité ecclésiastique est commentée favorablement par le Père LORSON, dans un ouvrage publié en juillet 1950 et intitulé : Un chrétien peut-il être objecteur de conscience ? La réponse, pour l’auteur, ne saurait faire de doute : un chrétien a non seulement le droit, mais probablement le devoir d’adopter une telle attitude. Cette opinion a d’autant plus de valeur que le livre a obtenu l’imprimatur.

Le Père LORSON s’en prend à la conscription "Nous croyons que l’universalité et l’obligation du service a tellement obnubilé les esprits et les consciences à cet égard que l’on ne le voit même plus et que le devoir du service militaire apparaît comme un absolu devant lequel doit céder tout le reste. Ceci est une erreur au point de vue moral et voilà pourquoi nous ne croyons pas inutile de souligner qu’il y a des devoirs supérieurs et qu’il faut les faire passer avant." Il considère le déroulement des guerres modernes, envisage les moyens de destruction récemment découverts et indique au chrétien ses devoirs en face de cet état de choses : "Un aviateur a-t-il le droit de lancer une bombe atomique sur une ville ouverte ? D’après les principes du Père de la BRIERE, il ne l’a pas. Et donc, logiquement, il doit être objecteur de conscience." Il justifie pleinement cet objecteur en rappelant l’attitude conciliante de l’Eglise en ce domaine ainsi que les origines mêmes du christianisme : "Plusieurs Papes ont qualifié durement le service militaire universel et obligatoire, alors que jamais aucun d’entre eux n’a loué la violence, la guerre ou ce même service. Nous l’avons dit : il n’y a pas de doctrine obligatoire sur le sujet. Mais alors, il y a probabilité des deux côtés et un chrétien peut aussi bien opter pour une opinion que pour l’autre. Nous ne voyons pas qu’on puisse condamner un partisan de la nonviolence au nom d’une doctrine officielle de l’Eglise.

Par conséquent, un chrétien qui, personnellement, est frappé davantage par cette non-violence, qui de fait se trouve dans l’évangile et dans l’église primitive, a certainement le droit de la mettre en pratique. Enfin, le Père LORSON s’appuie sur les multiples condamnations de la guerre prononcées par les voix ecclésiastiques les plus autorisées, dont celle toute récente de Monseigneur OTTAVIANNI, pour réaffirmer le droit du chrétien au refus de l’uniforme : « 

Dès lors, devant une condamnation explicite de la guerre moderne par les plus hautes autorités, un jeune chrétien n’a-t-il pas le droit et peut-être le devoir de tout faire pour la rendre impossible, en commençant par le refus du service militaire, qui la prépare incontestablement ?" Tels sont quelques-uns des textes, anciens ou modernes, invoqués par les objecteurs de conscience croyants pour tenter d’établir la légitimité de leur témoignage.

4.- GARRY DAVIS ET LE MOUVEMENT DES "CITOYENS DU MONDE".

Il ne faudrait pas croire que la religion soit la seule base de l’objection de conscience. Certes, l’origine de cette attitude doit être recherchée dans l’Evangile. Mais le monde moderne connaît également nombre d’objecteurs laïcs qui justifient leur position par des arguments de raison, puisés dans la morale naturelle. ns proclament que leur amour de l’humanité leur interdit de tuer leurs semblables. Certains mêmes, les Libertaires, hostiles à toute forme de gouvernement, refusent le service militaire, parce qu’il n’est pour eux qu’un des moyens - et non le moindre - employés par l’Etat pour entraver la liberté individuelle.

Tous pensent, avec Bertrand RUSSELL que "pas un seul des maux que l’on veut éviter par la guerre n’est un mal aussi grand que la guerre elle-même". Ces arguments se sont considérablement fortifiés depuis la découverte de la bombe atomique. Les ravages causés parmi les populations de Nagasaki et d’Hiroshima ont été d’une telle ampleur que les esprits, frappés de stupeur, ont pu se demander avec raison si cette arme diabolique, perfectionnée encore, ne provoquerait pas un jour prochain la destruction de la planète entière.

Et les objecteurs de conscience, niant toute efficacité à la défense, lors d’une guerre atomique, citent un passage de la Déclaration publiée le 17 novembre 1946 par d’illustres savants américains, auxquels s’était joint le célèbre EINSTEIN : « Il n’y a pas de défense militaire contre les bombes atomiques, et il ne faut pas en espérer. Il est futile de préparer la défense contre ta guerre atomique. » L’emploi de cette arme nouvelle fut jugé si dégradant par l’Eglise elle-même que les évêques catholiques américains, copiant leur attitude sur celle de Saint AMBROISE et de Saint BASILE, ordonnèrent des cérémonies d’expiation à la suite de ce péché imposé : avoir utilisé la bombe atomique. Les officiers américains qui avaient lancé les terribles engins sur le Japon se repentirent en ces termes :

LORSON - Un chrétien peut-il être objecteur de conscience ? page 119. page 48 Les raids d’Hiroshima et de Nagasaki ne sont pas de ces missions dont un homme puisse concevoir ta moindre fierté. Ce sont des faits de guerre dont il faut conserver la mémoire, mais ne jamais recommencer, nulle part dans le monde. Jamais, nulle part. » Et le Père LORSON, répondant à un officier-aviateur d’un bombardier lourd qui lui faisait part de ses scrupules de conscience, n’hésitait pas à lui conseiller le refus d’obéissance : "Il me paraît moralement évident que vous n’avez pas le droit de jeter de ces bombes sur des villes ouvertes, même si vous êtes en service commandé, en cas de guerre injuste, bien entendu, mais aussi dans une guerre juste."

Ces regrets, ces remords, qui envahirent ainsi nombre d’aviateurs de la dernière guerre, l’américain Garry DAVIS les connut également avec intensité. Lui-même était un ancien aviateur, ayant participé à des actions de bombardements. Les hostilités terminées, il pensa que l’humanité devait, sous peine de destruction à brève échéance, s’unir, se rassembler, par delà les frontières, sous un unique gouvernement mondial. L’idée n’était pas nouvelle. Les moyens employés furent, par contre, originaux et spectaculaires à souhait. Garry DAVIS subit d’ailleurs une évolution rapide (peut-être trop rapide) qui, d’un pacifisme sincère, mais inexpérimenté, l’amena à une reconnaissance raisonnée de l’objection de conscience. Se déclarant "Citoyen du Monde", il commença par répudier formellement la nationalité américaine.

Puis, en septembre 1948, il campa à Paris sur les marches du Palais de Chaillot, où siégeait alors l’O.N.U. Le 19 novembre 1948, il intervenait bruyamment dans cette Assemblée, avec quelques amis pour y lire une proclamation qu’il n’eut pas le temps d’achever et qui demandait la convocation d’une Assemblée Mondiale des Peuples. Dans le Journal de son Mouvement, "Peuple du Monde", il conviait chacun à s’enregistrer comme citoyen du monde, de façon à participer par la suite à un vote destiné à élire des représentants à une Assemblée Constituante Mondiale (à raison d’un délégué par million, non d’électeurs, mais d’habitants).

Invité par différentes organisations pacifistes, respectueuses de l’objection de conscience, à préciser quelle attitude serait la sienne en cas de nouveau conflit, Garry DAVIS répondit à cet appel et narra, dans "Peuple du Monde" du 5 mars 1949, l’entrevue qu’il eut à cette occasion avec différents représentants du Cartel International de la Paix : « Mardi dernier, j’ai assisté à une réunion d’organisations pacifistes. On m’a posé une série de questions, et on m’a demandé en particulier quelle serait mon attitude en cas de guerre... J’ai dit à ces hommes qui ont déployé une grande activité en faveur de la paix que je ne me battrai pas dans la prochaine guerre, et ceci, non pas parce que je ne crois pas à la nécessité de la force (au contraire, aucune société ne s’est maintenue sans règles et sans garanties pour qu’elles soient respectées), mais simplement parce que je crois qu’une autre guerre verra la destruction de tous et que je ne veux pas plus contribuer au combat d’un Etat contre un autre Etat qu’au suicide de l’humanité. »

Malgré son désir évident de ne heurter aucun gouvernement, ou, tout au moins, de tenir la balance égale entre tous, et spécialement entre les deux grandes puissances que sont l’U.R.S.S. et les Etats-Unis d’Amérique, Garry DAVIS ne trouva guère de bienveillance auprès de plusieurs d’entre eux. Certes, il fut accueilli cordialement par le Président de la République Française. Certes, de nombreuses personnalités politiques adhérèrent au Mouvement des Citoyens du Monde ou s’en déclarèrent sympathisants : lord BEVERIDGE, lord Iohn BOYD ORR, Recteur de l’Université de Glasgow, prix Nobel de la Paix 1949, le député travailliste Henry USBORNE, le député hindou Rammanohar LOHIA, le Pandit NEHRU, les députés français Paul RIVET, BOULET, l’Abbé PIERRE, et bien d’autres encore. Certes, le monde des sciences, des lettres, des arts, et des sports lui apporta de nombreux partisans : l’explorateur Paul-Emile VICTOR, le savant EINSTEIN, le violoniste YEHUDI MENUHIN, les écrivains Thomas MANN, prix Nobel 1929 et Pearl BUCK, la danseuse Catherine DUNHAM, le recordman du monde de vol à voile Guy MARCHAND, le chanteur Yves MONTAND, etc..

Mais le ministre John FOSTER DULLES, représentant les Etats-Unis d’Amérique à l’O.N.U. dénonçait, le 19 avril 1949, à New-York, "the fallacy of World Govemment" (la duperie du Gouvernement mondial). Mais la Pravda du 4 Mai1949 attaquait « l’Américain maniaque et débauché Garry DAVIS qui se dénomme le Citoyen du Monde, cet apologiste du Gouvernement Mondial, exporté des Etats-Unis en Europe avec la poudre d’oeuf et les romans de gangsters. » C’est alors que GARRY DAVIS, désireux d’étudier et de méditer, exprima, en juillet 1949, sa volonté d’abandonner quelque temps l’action. Il ne devait la reprendre, deux mois plus tard, que pour manifester, devant la prison militaire du Cherche-Midi, en faveur de Jean-Bernard MOREAU et y proclamer son accord avec les théories des objecteurs de conscience. Pour des raisons encore mai définies, il repartait aux Etats-Unis, le 20 mars 1950, après avoir demandé et obtenu un visa l’autorisant à immigrer. Il devait solliciter par la suite son retour à la nationalité américaine. Ses amis et lui n’avaient cependant pas fait oeuvre stérile : sous l’impulsion notamment de Robert SARRAZAC, des expériences symboliques de "mondialisation" s’étaient poursuivies en France Déjà, le 5 avril 1949, sur l’initiative d’un avocat américain, Fyke FARMER, l’Etat du Tennessee s’était reconnu territoire mondial et avait adopté une loi relative à l’élection de trois délégués (l’Etat groupant trois millions d’habitants environ) à l’Assemblée Constituante Mondiale. Ces trois délégués, élus le 7 août 1950, furent W. HARWELLE, J. AVERY et FYKE FARMER.

En France, les villes se déclarant territoire mondial se révélèrent de plus en plus nombreuses : Béziers en juin 1949, Marignane en décembre de la même année, 230 communes du Lot (soit 67% du département) en février 1950, Châtenay-Malabry en mars 1950, 7 communes de l’Aude en avril 1950, puis une dizaine de communes de la HauteGaronne. Au mois de juin, les journées de la Mondialisation, à Cahors, destinées à exalter les sentiments de solidarité mondiale, connurent, en présence du Préfet du Lot, un succès réel. Le mouvement de mondialisation gagna à l’étranger les localités les plus diverses : Chassepierre, Granmenil, Florenville et Mont-sur-Marchienne en Belgique, Koenigswinteer, Obervinter et Bad Wimpfen en Allemagne, Belmonte et Roccasinibalda en Italie, Brande au Danemark. Les deux procès à l’issue desquels le jeune objecteur de conscience Jean-Bernard MOREAU fut condamné successivement pour refus d’obéissance, puis pour désertion, l’action de solidarité menée en sa faveur devant la prison militaire, contribuèrent largement à propager les idées non-violentes. Cette propagande atteignit son point culminant dans le dernier trimestre de l’année 1949. Les journaux de tendances les plus diverses commentèrent longuement cette doctrine.

Plusieurs d’entre eux organisèrent même, sur le sujet, des débats parmi leurs lecteurs. Le 13 octobre 1949, une controverse entre partisans et adversaires de l’objection de conscience anima les ondes françaises. Le célèbre metteur en scène, Claude AUTANLARA, songea à tourner un film : "Tu ne tueras pas", inspiré du cas de Jean-Bernard MOREAU. L’acteur Gérard PHILIPPE, gagné aux idées mondialistes, devait y tenir le râle principal. Ce projet fut toutefois abandonné par la suite, pour des raisons qui ne furent pas rendues publiques. Nombre d’écrivains français célèbres marquèrent également leur sympathie aux objecteurs de conscience : Maurice ROSTAND, Jean GIONO, Jean COCTEAU, Roger MARTIN du GARD, Jean-Paul SARTRE, Simone de BEAUVOIR, Albert CAMUS, David ROUSSET, Hervé BAZIN, etc Répondant à une enquête d’un hebdomadaire, Jean GIONO s’exprimait ainsi : « L’objection de conscience devant toutes les disciplines est le premier droit de l’homme et son premier devoir. C’est essentiellement par l’exercice de ce droit, par l’attitude de ce devoir, que l’homme établit et affirme sa noblesse » Jean COCTEAU n’affirmait pas une conviction moins ferme : « 

L’objecteur de conscience a toujours un extraordinaire courage : le courage de son refus dans une société comme la nôtre, il n’est pas facile de dire non à l’armée, à la guerre. » Par contre, quantité d’autres personnalités manifestaient leur désapprobation, voire leur indignation et leur mépris ; l’attitude des objecteurs leur semblait infamante. La loi française leur donnait indiscutablement raison.

5.- L’OBJECTION DE CONSCIENCE ET LE NOUVEAU DROIT DE LA GUERRE.

Les impératifs auxquels obéissent les objecteurs de conscience sont donc essentiellement issus de la morale religieuse ou naturelle. Dans les deux cas, ils sont d’ordre sentimental par delà l’obéissance à leur Dieu ou à leur seule conscience, les objecteurs sont mus par l’amour qu’ils portent à tous les hommes, même à leurs adversaires. Néanmoins, une nouvelle justification, purement juridique, de l’objection de conscience vient d’être tentée par Maître Raymond de LA PRADELLE, avocat à la Cour de Paris, secrétaire général adjoint de la branche française de l’International Law Association Sa théorie, partie de l’examen de certaines lois récentes, aboutit à cette constatation : en face du nouveau droit de la guerre, la seule défense de l’homme est l’objection de conscience. Autrefois, le soldat qui obéissait à ses chefs, en temps de guerre, pouvait conserver une totale tranquillité d’esprit. Certes, il risquait d’être blessé ou tué, mais, accomplissant son devoir, il était assuré d’être considéré par tous comme un héros.* A l’époque moderne, il n’en est plus ainsi, tout au moins chez les vaincus, car un principe nouveau, d’une immense importance, vient d’apparaître en droit international : la loi de la guerre peut désormais être créée par le vainqueur, au détriment du vaincu, postérieurement aux faits de guerre et avec un effet rétroactif. On en trouve deux applications particulièrement significatives dans les lois françaises qui dominent la répression des crimes de guerre ; l’ordonnance du 28 août 1944 et la loi du 15 septembre 1948. Il est nécessaire de dégager de ces textes certaines particularités.

En vertu de l’article premier de l’ordonnance du 28 août 1944, les Allemands sont privés du bénéfice de la loi allemande, pour tout ce qui concerne le domaine de l’ordonnance. L’art. 3 précise que l’ordre du chef, reçu et exécuté par l’inférieur, ne peut pas être invoqué par ce dernier comme fait justificatif, le dispensant de toute condamnation. Le principe était cependant jusqu’alors communément admis, et notamment par le Code Pénal français, que le commandement de l’autorité légitime devait être considéré comme fait justificatif. En outre, les articles 1er et 2 de la loi du 15 septembre 1948 ont créé une situation véritablement exceptionnelle ; le simple fait d’avoir appartenu à une formation déclarée criminelle par le Tribunal Militaire International, et ayant compté parmi ses membres un ou plusieurs militaires ayant commis un crime de guerre, suffit pour que l’on soit considéré comme co-auteur de ce crime de guerre, à moins que l’on puisse apporter la double preuve suivante : son incorporation forcée à cette formation et sa non-participation au crime. Cette disposition est remarquable, en ce qu’elle crée un cas de responsabilité collective et de présomption de responsabilité. Elle oblige un militaire contre lequel aucune preuve de culpabilité n’a pu être apportée par l’accusation, à faire la démonstration de son innocence et de son incorporation forcée, s’il veut échapper à une condamnation infamante. Les juristes savent combien une preuve négative est difficile à établir.

Que faut-il retenir de ces notions nouvelles, qui heurtent gravement les principes admis jusqu’alors par les législations des différents pays civilisés : non rétroactivité des lois pénales, individualisation de la responsabilité et de la peine, acquittement en cas de doute sur la culpabilité ? C’est que le soldat, en obéissant, ne pourra jamais, du fait même de son obéissance, avoir la certitude de préserver son honneur. S’il accepte d’être incorporé dans une formation, ne risquera-t-il pas, en cas de défaite, d’être déclaré criminel de guerre par le vainqueur ? S’il obéit à ses supérieurs, « sans discussion ni murmure », en vertu de la discipline qui fait "la force des armées", ne pourra-t-il pas également être condamné par celui-ci pour avoir exécuté les ordres reçus ? Saura-t-il discerner où finit l’acte licite de guerre et où commence le crime de guerre ? Le fait, par exemple, d’avoir accepté de lancer une bombe atomique sur une ville ouverte sera-t-il considéré plus tard, par les ennemis vainqueurs, comme un acte autorisé, conforme au droit international, ou comme un abominable crime passible de la peine de mort ? Certes, Si le militaire fait partie du camp qui sortira victorieux de la lutte, aucune de ces angoissantes questions ne se posera pour lui : elles n’auront de valeur que pour ses adversaires. Mais quel soldat aura la certitude de combattre dans les rangs des futurs vainqueurs ? La guerre ne comporte-t-elle pas sa part d’aléas ? Son issue n’est-elle pas fonction d’événements souvent imprévisibles à l’origine ?

D’ailleurs, le même problème se pose, non pour un seul, mais pour tous les soldats. La guerre se termine invariablement en laissant en présence, parmi les survivants, des vainqueurs et des vaincus. En prévision d’une défaite possible, le devoir de l’individu n’est-il pas, pour éviter le déshonneur d’une mort ignominieuse, face à un peloton d’exécution, de refuser de se laisser incorporer, de refuser l’obéissance aux ordres de ses chefs ? C’est ce que croit Maître de LA PRADELLE : "En temps de guerre, comme belligérant le juriste le mieux averti ne sera pas à l’abri de commettre des faits qui seront ensuite considérés comme criminels, car les tribunaux qui auront à le juger interpréteront le droit de la guerre dans le sens voulu par leur propre législation qui, créée après le conflit, aura avant tout le souci de la répression." La nouvelle conception dc l’honneur consisterait donc en un refus de se plier aux disciplines militaires.

Telle est la conclusion de Maître de LA PRADELLE : "Il n’est pas vain de dire, à la fin d’une civilisation plusieurs fois millénaire et au seuil sanglant d’une civilisation nouvelle dont les développements sont encore imprévisibles, que les militants de l’objection de conscience sont la Chevalerie des temps nouveaux La loi française ne s’inspire nullement de cette conception. Certes, l’objection de conscience est un témoignage éternel, qui s’est perpétué à travers les siècles, mais le plus souvent grâce à une faible minorité, suspecte au pouvoir établi. Sa pérennité fait sa force, mais sa faiblesse provient de l’ambiguïté apparente de sa position ; beaucoup prennent l’objecteur pour un asocial, un lâche ou un traître. La législation de notre pays aide à cette assimilation.

Serait-il bon cependant d’établir une discrimination à cet égard ? Avant de répondre à la question, il semble utile de préciser les modes actuels de répression en France.


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