L’Union européenne et l’objection de conscience au service militaire
Sam Biesemans
Article mis en ligne le 8 juillet 2013
dernière modification le 19 juillet 2013

Vice-Président du B.E.O.C.

L’histoire de l’objection de conscience au service militaire est dans chaque pays européen, étroitement liée aux luttes pour l’obtention de ce droit qui se sont déroulées d’autres pays européens et à l’histoire du pacifisme européen et mondial.

La reconnaissance du droit à l’objection de conscience vue dans le cadre des institutions européennes et internationales, ainsi que dans la législation de nombreux États, est un phénomène relativement récent. S’il est vrai en effet que les premiers pas concrets remontent au début du 20e siècle, ce n’est seulement qu’après la seconde guerre mondiale que la question a pris davantage d’ampleur dans le débat politique tant au niveau national qu’au niveau des institutions européennes.

Certes l’objection de conscience pacifiste a des racines historiques plus lointaines, liée aux grands courants religieux qui marquent de leur empreinte l’histoire européenne.
Ce sont les nations de tradition protestante du Nord de l’Europe, à exception de la Suisse, qui ont adopté dans les premières décennies du 20ème siècle, des mesures et des lois permettant aux objecteurs de conscience de vivre en accord avec leur conviction de nature non-violente.

Les pays de tradition catholique, tels la France, la Belgique, l’Espagne ou le Portugal, n’ont reconnu le droit à l’objection au service militaire qu’une cinquantaine d’années plus tard.
Une des raisons est l’opposition à ce droit de la part de la haute hiérarchie catholique ; il aura fallu attendre Vatican II pour modifier cette position.

La fin de la guerre froide, marquée par la chute du Mur de Berlin en 1989, a déclenché une refonte des concepts de la stratégie militaire prévoyant une conversion des armées connaissant la conscription en armées uniquement professionnelles.

En 2012, seuls 6 des 27 États membres de l’UE connaissent encore le service militaire : l’Autriche, Chypre, le Danemark, l’Estonie, la Finlande et la Grèce.

Au niveau européen, de grands progrès ont été faits par rapport au droit à l’objection de conscience.

Je me limiterai à l’U.E. (aujourd’hui, l’Europe des 27), puisque le Conseil de l’Europe –plus large géographiquement avec 47 Etats membres- est traité par Friedhelm Schneider.

Ainsi, le récent Traité de Lisbonne entré en vigueur en 2009, une constitution de l’Union européenne qui ne peut pas en porter le nom, inclut la Charte des droits fondamentaux existant depuis 2000 qui stipule à l’article 10, dédié à la "Liberté de pensée, de conscience et de religion" la disposition suivante au point 2 :
" Le droit à l’objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. "

Ceci signifie que les Etats candidats à l’adhésion à l’U.E. doivent démontrer avoir reconnu le droit à l’OC. Cela ne signifie cependant pas que la loi ne soit pas discriminatoire.

Il est important de souligner le rôle positif joué par le Parlement européen. La première résolution sur l’OC date de 1983 ; elle est le résultat du rapport présenté par la députée Maria Antonietta Macciocchi. A noter, lors du débat, le soutien actif de la députée libérale française Simone Veil (qui deviendra par la suite présidente du Parlement européen).

Deux autres rapports seront encore approuvés par le Parlement européen sur le même thème ; chacun améliorera les critères auxquels doivent répondre le service civil alternatif :
• Le rapport Schmidbauer de 1989 ;
• En 1994, le rapport présenté par les députés Rosy Bindi et Bandrés-Mollet.

Une résolution parlementaire de 1993 très spécifique mérite d’être mentionnée ; c’est celle concernant les déserteurs des forces armées des Etats issus de l’ex-Yougoslavie.
Elle « demande au Conseil et aux Etats membres d’envisager des mesures appropriées pour l’accueil des déserteurs et des objecteurs de conscience qui abandonnent les différentes forces armées qui se combattent sur le territoire de l’ex-Yougoslavie » et appelle à leur conférer le droit d’asile.

Ceci est exceptionnel, car le droit d’asile n’est actuellement pas accordé pour motifs d’objection de conscience. C’est une question à résoudre.

Ne pourrait-on obtenir déjà dans une première étape une nouvelle décision européenne en vue d’accorder le droit d’asile aux déserteurs et objecteurs impliqués dans le conflit syrien, en s’inspirant de la résolution de 1993 concernant l’ex-Yougoslavie ?