Assemblée générale 2017
Article mis en ligne le 3 décembre 2017

par webmestre

Objecteurs de conscience et militants de la paix venus de toute l’Europe se réunissent à Chypre dans la zone tampon de l’ONU entre les deux parties de Nicosie

Le Bureau européen pour l’objection de conscience (EBCO) a tenu son assemblée générale 2017 le 4 novembre au Centre multimedia communautaire chypriote, dans la zone tampon de l’ONU entre les deux parties de Nicosie, la dernière capitale divisée d’Europe.

« Nous avons choisi ce lieu pour mettre en évidence l’aspiration à la paix et à la réconciliation, qui impliquent la démilitarisation de l’île et le plein respect des droits humains, y compris le droit à l’objection de conscience au service militaire. Symboliquement, les objecteurs de conscience sont la zone tampon pour la paix », a expliqué Friedhelm Schneider, le président de l’EBCO.
La veille, à la Maison de la Coopération, également dans la zone tampon, l’EBCO avait organisé une conférence de presse et un débat public. L’EBCO exprime sa gratitude envers le Bureau chypriote du Tourisme, dont le soutien a permis la tenue de ces événements.
Rédacteur en chef du Rapport annuel 2017 de l’EBCO sur l’objection de conscience au service militaire en Europe, qui sera publié le 10 décembre, Journée internationale des droit humains, Derek Brett en a présenté les conclusions essentielles et a constaté que « Les efforts de reconnaissance des droits des objecteurs de conscience ont connu un recul à l’échelle de l’Europe ». Il a observé que la situation et le climat se dégradent dans certains pays comme l’Ukraine et la Lituanie, où le service militaire obligatoire a été réintroduit. Le rétablissement de la conscription se trouve aussi en discussion dans divers autres pays, bien que dans certains cas, comme ceux de la Suède et de la Croatie, le terme, utilisé au sens large, vise une brève période de formation militaire pour un nombre assez limité de volontaires. En Russie, les témoins de Jéhovah, qui jusqu’à présent constituaient la majorité des hommes admis au service civil de remplacement, ont fait l’objet d’une interdiction en tant qu’organisation subversive ; en vérité, ces gens qui refusent toute violence sont parfois étiquetés « terroristes ». Le service civil de remplacement existe toujours, mais il s’agit d’un programme très restreint. Et en Suisse, le parlement débat actuellement de propositions de modification qui rendraient le service civil encore moins satisfaisant. Pendant ce temps, la Turquie reste un cas à part. Il ne s’agit pas là du caractère inadéquat des mesures destinées aux objecteurs de conscience ; seule au sein du Conseil de l’Europe, la Turquie n’a ni reconnu l’objection de conscience, ni entrepris de rendre accessible un service civil de remplacement.

Déléguée au Forum européen de la jeunesse, Martina Lanza a déclaré que « Les jeunes de toute l’Europe doivent s’unir contre le service militaire obligatoire et exiger que leurs gouvernements investissent dans l’éducation, la recherche, l’emploi, la santé et la culture, plutôt que dans la conscription et les forces armées ». Elle a souligné que la conscription demeure en vigueur dans 17 États du Conseil de l’Europe : l’Arménie, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, le Belarus, Chypre, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Grèce, la Lituanie, la Moldavie, la Norvège, la Fédération de Russie, la Suisse, la Turquie et l’Ukraine. Les autorités de fait imposent aussi la conscription dans divers territoires qui ne sont pas reconnus internationalement : l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud (Géorgie), le Nagorno-Karabakh (Azerbaïdjan), la Transnistrie (Moldavie) et la partie Nord de Chypre.

Concernant Chypre, Murat Kanatli, au nom de l’Initiative bicommunautaire pour l’objection de conscience à Chypre, a évoqué les progrès accomplis dans la partie Nord, actuellement sous occupation turque. Des membres du parlement appartenant à tous les partis politiques ont signé une proposition qui appelle la « République turque de Chypre Nord » (RTCN) autoproclamée à instaurer un service de remplacement et à respecter les droits des objecteurs de conscience. Une telle évolution serait inconcevable en Turquie même ! Néanmoins, la persécution des objecteurs de conscience se poursuit, et quatre cas se trouvent actuellement pendants devant les tribunaux militaires de la RTCN. M. Kanatli a ajouté que, bien que la situation soit légèrement meilleure en République de Chypre, où le droit à l’objection de conscience est reconnu et un service civil de remplacement accessible, la durée de celui-ci reste punitive (19 mois contre 14 pour le service militaire) et toute la procédure relève des autorités militaires.

Une excellente nouvelle : le mois dernier, la République de Chypre a accordé l’asile à Halil Savda, bien connu comme objecteur de conscience et défenseur des droits humains en Turquie. Les membres de l’EBCO l’ont rencontré informellement le dimanche 5 novembre. « Nous nous réjouissons de cette décision, qui met fin à la série de poursuites dont Halil Savda a fait l’objet en raison de son objection de conscience et de son militantisme non violent en faveur des droits humains en Turquie. L’Europe doit accueillir et protéger tous les réfugiés qui sont menacés et persécutés parce qu’ils s’opposent à la guerre et aux violations des droits humains », a déclaré F. Schneider, président de l’EBCO. Depuis 2004, en Turquie, Halil Savda avait été arrêté, emprisonné et maltraité à de multiples reprises pour avoir refusé d’accomplir le service militaire et exprimé son soutien aux objecteurs de conscience. Il avait écrit des articles, accordé des interviews à divers journaux et pris la parole lors de manifestations et meetings contre le service militaire obligatoire.

L’EBCO a été fondé en 1979 à Bruxelles comme structure-coupole pour des associations nationales d’objecteurs de conscience en Europe, en vue de la promotion du droit à l’objection de conscience à la préparation et la participation à la guerre et à tout autre type d’activité militaire, en tant que droit humain fondamental. Il bénéficie du statut participatif au Conseil de l’Europe depuis 1998 et est membre de sa Conférence des organisations internationales non gouvernementales depuis 2005. Il fournit son expertise et ses avis juridiques à la Direction générale des droits humains et des affaires juridiques du Conseil de l’Europe. Il contribue à la rédaction du rapport annuel de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, concernant l’application dans les États membres de ses résolutions sur l’objection de conscience et le service civil, en exécution de la « Résolution Bandrés Molet & Bindi » de 1994. Il est membre à part entière du Forum européen de la jeunesse depuis 1995.


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